Mode dégradé
Comment enclencher le « mode dégradé » pour assurer le « minimum syndical » !!
Définition du « mode dégradé »
L'expression « mode dégradé » désigne…..les situations où tout ou partie d'une entité organisée ……doivent (ou devraient) fonctionner sans leurs ressources habituelles, humaines et matérielles ……..
Pour réagir au mieux et retrouver au plus vite une situation normale ou « restaurée », les acteurs vitaux sont généralement invités à se préparer à fonctionner en « mode dégradé », par exemple et notamment dans le cadre des plans de continuité.
Fonctionner en mode dégradé, c'est tenter de fournir le service jugé indispensable, en manquant de ressources complètes ou fiables ou régulières……….
…..Ceci nécessite une préparation, qui relève du domaine de l'apprentissage de la gestion de crise. On parle aussi de Sureté intégrée (provenant de l'anglais Fail-Safe) d'un procédé automatisé dans le domaine technique, indiquant qu'en cas de pannes d'un système, le mode « sûreté intégrée » entre en jeu, et se charge de prévenir de toutes conséquences destructrices du système dues à une ou plusieurs pannes. Cela ne veut pas dire que le système ne fonctionnera plus mais veut simplement dire que les pannes ne pourront pas s'aggraver grâce à ce mode. Il s'agit donc d'une sûreté. Si un système dont le mode Sûreté intégrée est déclenché, tombe en panne, son état ne pourra être pire que l'état dans lequel il se trouvait au moment de la panne initiale ayant déclenchée le mode de Sécurité intégrée.
(wikipedia.org)
Mes chers jeunes collègues, et collègues en herbe, j’ai décidé de m’asseoir de nouveau devant mon clavier pour essayer de vous offrir quelques outils qui vous permettront de surnager lorsque vous êtes mis à mal en cabine, lorsque vous êtes dépassés par les événements, lorsque vous n’arrivez plus à suivre….
Vous voyez, dans les premières années de la carrière, il ne vous sera pas toujours possible d’éviter dans une plus ou moins grande mesure l’échec, mais on attendra très justement de vous que vous ne descendiez jamais en-dessous du ‘minimum syndical’ sans quoi votre contrat (au propre et au figuré) ne sera pas honoré, et votre longévité professionnelle sera mise en danger.
Mon objectif ici est de vous munir de certaines compétences et connaissances qui vous permettront, lorsque le pire arrive, non pas d’être victimes impuissantes du ‘flotter ou couler’ binaire, mais de faire des choix raisonnés et stratégiques pour poursuivre tout en sauvant les meubles.
En m’inspirant de ce ‘mode dégradé’ - qui permet aux voitures (ceux qui me connaissent savent que chez moi c’est une passion!), aux ordinateurs, à des engins en tous genres de continuer de fonctionner en mode mineur, plutôt que de tomber en panne totale - je voudrais aborder trois cas de figure en interprétation simultanée. Dans ces cas, l’interprète en cabine se voit contraint(e) de faire un choix fastidieux :
trouver immédiatement une stratégie de survie et de communication, ou
renoncer à assurer, échouer et hypothéquer sérieusement et sa carrière (naissante) et la communication de l’orateur
et devra donc décider d’enclencher le ‘mode dégradé’ personnel qu’il ou elle aura appris et exercé au préalable. Voici ces trois cas de figure :
Interprète peu expérimenté : vous n’arrivez pas à suivre, ou à tout suivre, parce que votre bagage professionnel, cognitif et intellectuel - technique, langues, expérience ou résilience - ne suffit pas (encore) pour que le ‘minimum syndical’ soit toujours assuré, et le client respecté et satisfait. En bref, votre niveau global de performance ne suffit pas encore face à tous les orateurs, à tous les sujets et contenus, tous les jours…
Conditions de travail imparfaites : lorsque toutes les planètes sont alignées, toutes les conditions (son, vitesse, densité, technicité, stress, qualité de langue, longueur de la prestation etc etc) réunies, vous possédez bel et bien toutes les qualités qu’il faut pour assurer un travail professionnel de niveau parfaitement respectable – mais, ce jour-là, certaines (trop) de ces préconditions de votre réussite manquent à l’appel, et il y a un choix ponctuel à faire.
Discours très (‘excessivement’ ?) dense ou complexe : vous êtes face à une communication rapide, lue, dense, technique, subtile, littéraire…déjà très difficile à interpréter de manière convenable. Ici, par contre, l’interprète est capable de tout rendre, de tout traduire avec précision, habileté et rapidité - mais le résultat, pour le client qui écoute, ne serait pas mieux qu’une avalanche de mots et d’idées peu triés et plus ou moins impossible à digérer et à exploiter. Ce cas de figure est plus fréquent à partir d’une langue concise et à structure souple (on pense tout de suite, bien sûr, à l’anglais) vers une langue moins souple ou libérale quant aux choix syntaxiques et grammaticaux, et qui est contrôlée de manière plus rigide par ses locuteurs (on pense par exemple au français). Si on prend une illustration en termes simples mathématiques, qui ne mesure par exemple que le nombre de mots à débiter par l’interprète pour rendre les mêmes idées que l’original, on peut passer de 180 mots à la minute à disons 240 mots à la minute pour le même message – ce qui veut dire que, même si l’interprète est techniquement et intellectuellement capable de travailler à un tel rythme, ce qui était déjà au départ une communication difficile à suivre par ceux qui écoutent en direct, devient impossible à emmagasiner. L’interprète consciencieux/se et soucieux/se de bien communiquer va donc ici faire le choix raisonné, et pas sous la pression de l’urgence, d’appliquer la technique (bien rôdée à l’avance et ayant un caractère de réflexe) du ‘mode dégradé’.
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Avant d’aller plus loin, je pourrais peut-être rajouter que, dans une certaine mesure, toute interprétation simultanée se place quelque part sur « le continuum du mode dégradé » - à l’exception des très rares moments où il n’y a absolument rien à améliorer ou à rajouter à l’interprétation, on est constamment en mode (partiellement) dégradé. Mais, plus on devient compétent et expérimenté, plus on est capable de rester maître de soi, plus on est bien préparé, plus on connaît le domaine/sujet en question, plus les conditions (psychiques, physiques, matérielles, techniques..) souhaitées sont réunies et les planètes alignées, et moins et moins souvent ce mode devra-t-il être enclenché. En outre, au fur et à mesure qu’on devient plus compétent, même lorsqu’on doit recourir au mode dégradé, ce recours sera de plus en plus souvent le fruit d’une décision professionnelle mûrement réfléchie et élective, et sera moins souvent imposé par la force des choses.
Avertissement : du début à la fin de cet article, je ne voudrais absolument pas donner l’impression qu’il est acceptable – sur les plans technique ou déontologique – de mal interpréter ou d’interpréter de manière partielle. Le but doit toujours être de restituer TOUT le fond et TOUTE la forme de l’argument de l’orateur. Je me permets de répéter que ce dont je parle ici, ce sont les cas de figure où (pour toute une série de raisons diverses) le niveau de qualité attendu par la profession est temporairement inaccessible ou contre-indiqué, et qu’il faut une stratégie raisonnée et consciente pour éviter l’effondrement, la ‘panne totale’, qui ne sont JAMAIS acceptable.
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La gestion, la ‘musculation’ et le développement de votre cerveau comme ‘machine à interpréter’
Dans le monde idéal de l’interprétation simultanée, chaque interprète serait donc toujours capable d’interpréter chaque élément et chaque nuance de chaque discours, en respectant intégralement le fond et la forme, en se jouant des innombrables pièges qui peuvent se présenter et en maniant à merveille toutes les subtilités des langues concernées – « il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre ». Ici, humour, ironie, vocabulaire technique, raisonnement, emphase, sigles, citations, ambigüités, seront tous résolus en temps réel et de main de maître, et on sort satisfait(e) et la tête haute de sa cabine.
Mais, cette description ne s’appliquera pas toujours, même au meilleur interprète du monde, et plus on est jeune et tendre dans la carrière, plus souvent on se trouvera dans l’impossibilité de faire intégralement ce qui est attendu de soi – et c’est à ce moment-là que vous allez devoir appliquer certaines des techniques dont je vais à présent vous parler.
Je voudrais que vous pensiez dorénavant à votre cerveau, et votre combinaison cerveau/corps (mens sana in corpore sano !), comme à une voiture sophistiquée et performante qui exige une maintenance soignée et un programme permanent d’entretien routinier pour prévenir les pannes et garantir de manière pérenne tout son potentiel de performance. Ensuite, si par cause de défaillance, auto-générée ou imposée de l’extérieur, cette machine commence à perdre de sa puissance et de sa superbe, il est essentiel de pouvoir enclencher en temps voulu le ‘mode dégradé’ qui vous permettra de rallier la maison ou le garage le plus proche – à savoir la fin de la journée de travail en cabine ! Pour poursuivre l’analogie, le boîtier de gestion moteur (votre cerveau) va détecter une panne ou une défaillance temporaire dans une partie du système (pour l’interprète – cerveau/corps/esprit), et pour préserver la machine il va basculer en mode ‘sauvegarde’, privant la machine de plus ou moins de fonctions – selon la nature de la panne – mais sans l’empêcher d’avancer à une allure réduite….
En extension de cette logique, je vous encourage à commencer dès maintenant à mettre en place un plan, un régime, une habitude, une technique de gestion du cerveau et du corps (encore le ‘mens sana in corpore sano’), qui tienne compte de l’intensité et de la singularité de l’effort que vous demandez régulièrement à votre cerveau et votre voix d’accomplir. Dotez-vous d’un régime systématique qui forme, qui alimente, qui entretient vos capacités neurologiques, cognitives et vocales – ceci ne s’improvise pas, et vos performances et votre longévité professionnelles en dépendent…
Pensez que la ‘machine à interpréter’ que vous êtes se situe aujourd’hui à un niveau de performance globale X. Dans certaines limites, tant que vous gardez votre sang froid, vous avez le choix de diviser et de répartir vos efforts cognitivo-neurologiques en cabine entre plusieurs paramètres, et pour illustrer ceci je vais assimiler votre cerveau à un pneu de rallye (si, si !). Au volant de votre bolide, vous pouvez demander à ce pneu de freiner, d’accélérer et de tourner, et vous pouvez combiner et doser deux de ces trois efforts, en fonction de vos capacités et de vos circonstances. Cependant, quoi que vous fassiez pour répartir les efforts demandés à votre pneu, vous ne pouvez dépasser la somme X de l’effort de freinage/accélération/tenue de route que permet sa combinaison pression/gomme/taille/profil/carcasse/sculptures/température à un moment et dans des circonstances données.
En fait, c’est plus compliqué encore – si vos compétences et votre expérience de pilote sont suffisantes, vous pouvez dépasser légèrement l’effort global X pour arriver disons à X + 10%, en gérant et en contrôlant la dérive qui résultera du dépassement des limites actuelles du pneu. Mais, si vous demandez à ce pneu de fournir disons X + 30%, soit il se déchiquète soit vous sortez de la route et votre course (et peut-être votre vie) est terminée ! Autre facteur, qui nous ramène directement à nos moutons caoutchouteux : si votre pneu est usé ou en surchauffe et/ou ne présente pas la bonne dureté de gomme pour les conditions, il va glisser en permanence ; le pilote compétent tient compte de ceci, dose ses efforts, réduit ses exigences et modifie ses trajectoires pour que la gomme tienne jusqu’à la fin de la course, tout en imposant un rythme un peu moins élevé que l’idéal…
Ceci vaut tout autant pour votre cerveau : vous pouvez lui demander d’écouter, de parler, de comprendre un raisonnement ou une idée ou un mot, de traiter les idées, de les restituer, de gérer la console (réelle ou virtuelle) etc., mais toujours dans les limites imposées par votre stade actuel de développement comme interprète, la taille et la capacité de votre ‘muscle neurologicocognitif’. En fonction de la nature du discours - plus ou moins de fond, de forme, de densité factuelle, de vitesse, d’accent (étranger ou régional), d’erreurs de syntaxe et de grammaire - vous allez répartir de manière fluide et agile les efforts et les exigences cognitifs selon la situation. Il en va de même si vous travaillez vers une langue A ou une langue B, et en fonction de votre maîtrise de la langue C de départ.
Mais, tout comme pour le pneu de rallye, vous ne pouvez pas, ou vous ne devez pas, dépasser l’effort global psychique/cognitif X de votre cerveau ce jour-là. La seule et grande différence entre pneu et cerveau, ici (et c’est très positif pour le jeune interprète toujours en pleine courbe d’apprentissage ascendante), c’est que le cerveau s’adapte et peut se développer et fournir de plus en plus d’effort X, tout comme les muscles du corps quand on suit un programme raisonné de musculation. Cette adaptation est le but même des entraînements et de la pratique pour l’interprète de conférence, mais elle sera fortement réduite si un coach/entraîneur/mentor (qui peut à la rigueur être vous-même, même si une telle option est très certainement un pis-aller !) professionnel et expérimenté n’est pas là pour vous aider à créer un programme progressif, logique et raisonné, qui tient compte des paramètres du développement cognitif..
En effet, vous pouvez (et vous devez !) développer votre cerveau pour pouvoir qu’il fournisse davantage d’effort cognitif, soit un même effort cognitif mais pendant plus longtemps, soit qu’il atteigne un niveau plus élevé de constance et de régularité de l’effort. Votre niveau ‘par défaut’ s’améliorera forcément avec la pratique et l’expérience, et vous deviendrez ainsi un(e) meilleur(e) interprète, plus performant(e) et plus heureux/se. Mais attention, pendant vos entraînements et au fil de vos missions, si vous en demandez trop à votre cerveau, il va en pâtir, vous allez détruire des cellules et vous allez régresser !
Continuer d’interpréter dans la période qui suit immédiatement un effort mental outrancier (car vous n’aurez bien entendu pas le droit de suspendre votre interprétation simplement parce que vous avez ‘mal au cerveau’ !) est en fait un autre cas de figure où vous devrez peut-être enclencher provisoirement votre mode dégradé, en attendant que vos capacités mentales se rétablissent.
Alors, disons que votre cerveau est capable (pour l’instant et suite à tous les efforts que vous avez faits et que vous faites pour apprendre plus de choses et augmenter votre ‘largeur de bande mentale’) de fournir un effort total ‘X’. Ce même cerveau est magnifiquement adaptatif et évolutif, mais vous devez procéder avec lui comme avec un muscle ‘standard’, en lui demandant un petit peu plus d’effort tous les jours, pour que sa capacité grandisse constamment – ce qui veut dire que votre ‘X’ va aller en s’augmentant, ainsi que votre X + N%....
Donc, vous pouvez parfaitement lui imposer pour interpréter un niveau d’effort ‘X + 5%’, ensuite ‘X + 10%’, puis ‘X + 15%’ etc, au fil du temps (la base X évoluant aussi avec le temps). Mais, si vous lui demandez aujourd’hui, en cabine, de fournir un niveau d’effort à ‘X + 50%’ non seulement ne pourra-t-il pas le faire, comme un cheval refusant l’obstacle, mais vous allez lui coûter et lui détruire des neurones, de sorte qu’il sera tout de suite moins performant, et qu’il tombera à un niveau maximum d’effort de disons ‘X – 5% ou 10%’. Pire encore, si vous présumez ainsi excessivement de votre cerveau d’interprète, soit en exigeant une durée d’effort trop importante, soit en demandant qu’il fournisse cet effort impossible, les dégâts neuronaux occasionnés pourront durer plusieurs heures ou même plusieurs jours. Or, pendant que vos neurones malmenés tentent de revenir au niveau qui était le leur avant cette expérience traumatique que les circonstances du moment (en simultanée – densité, vitesse, fatigue, technicité, accent, qualité du son…) lui ont infligé, votre journée de réunion se poursuit, et il faudra donc continuer d’assurer le ‘minimum syndical’ requis de vous par votre obligation de résultat !
Pour revenir à notre analogie des pneumatiques de course, une fois le pneu dépassé par la vitesse, l’angle du virage et/ou l’accélération et le freinage sollicités, la voiture dérive et glisse, mais la sortie de route n’est pas pour autant inévitable, du moment que l’on sait comment doser l’effort à l’accélérateur, contrebraquer et gérer et maîtriser la glissade pour rester sur la route et poursuivre son chemin. Tout ceci pour dire que le ‘mode dégradé’ que vous cherchez à pouvoir enclencher et utiliser, sera très souvent incontournable, et bien plus souvent au début de la carrière qu’après, car l’interprète peu expériment(é)e, en pleine courbe (no pun intended) de progression, sera logiquement plus souvent dépassé par les événements que son aîné chevronné.
La mise en service du mode dégradé - conserver et ménager votre énergie et vos ressources cognitives et mentales
Avant d’aller plus loin pour s‘attaquer au vif du sujet et vous indiquer les méthodes et tuyaux adéquats, je tiens à dire que tout ce qui suit sera facilité énormément par la présence entre vos mains du texte du discours à interpréter, du moment bien sûr que vous maîtrisez la technique de la ‘simultanée avec texte’ – chose loin d’être acquise au début de la carrière. Donc si cette arme ne figure pas encore à une place de choix dans votre arsenal professionnel, faites tout ce que vous pouvez pour l’acquérir. Il faut savoir aussi que cette exercice technique plutôt sophistiqué lorsqu’il se pratique à haut niveau, constitue un obstacle plutôt qu’un atout tant qu’il n’est pas bien rôdé et bien installé en réflexe cognitif – cela prend du temps et de nombreuses heures d’entraînement, comme tellement d’aspects de notre profession…
Votre cerveau est donc dépassé par les événements ? Tel un ordinateur dont le processeur n’est pas à la hauteur face à un débit binaire élevé, vous souffrez du ‘buffering’, ou mise en mémoire tampon neurologico-cognitive : mais cette mémoire tampon a ses limites, et l’exercice de l’interprétation simultanée ne supporte en tout cas pas un recours infini à celle-ci ; Alors, quoi faire pour continuer de fournir le service attendu par votre contrat, préserver son cerveau et sauver sa carrière ?
1) Anticipation
Pour commencer, le ‘mode dégradé’ doit être enclenché avant qu’on n’en ait besoin, sinon ce sera déjà trop tard pour votre cerveau et votre journée en cabine ! C’est comme négliger de mettre de l’huile dans son moteur jusqu’à ce que le témoin ‘pression ou niveau bas’ s’allume – votre moteur aura déjà souffert par manque de maintenance et de prévoyance. Idem pour la sensation de soif – on la ressent quand le corps est déjà déshydraté, et même si vous ingurgitez un litre d’eau, celle-ci mettra du temps à être métabolisée et à ré-hydrater vos neurones et vos muscles. Il est clair qu’en cas d’activité physique ou mentale intense, il faut boire préemptivement…
Donc, une partie importante de la pratique du ‘mode dégradé’ est l’anticipation :
vous savez à l‘avance que tel ou tel orateur va vous faire souffrir
vous êtes soudainement confronté(e) à l’intervention (plus ou moins mal transmise) d’un orateur en visioconférence
vous apprenez que votre collègue doit partir plus tôt ou arrivera plus tard que prévu
la réunion se prolonge et votre équipe accepte de travailler disons une heure de plus
vous êtes fatigué(e) ou malade ou déprimé(e) aujourd’hui
vous avez mal à la tête
le sujet qui arrive est pour vous une bête noire
les conditions physiques ne sont pas ce qui était prévu
le retour son, en bidule, tombe en rade
…..autant de raisons d’écouter la sonnette d’alarme de votre cerveau et votre psyché, et commencer la mise en service du ‘mode dégradé’ – avant « d’avoir soif » !
2) Modalités pratiques
Concrètement alors, quelles sont les astuces, démarches et techniques auxquelles on peut recourir pour activer ce fameux mode dégradé ? Ce qui suit vous donnera une idée, non-exhaustive, des possibilités :
a) Réduisez la surchauffe en ajustant posture et tenue vestimentaire
Pour les mêmes raisons, si cela est possible (niveau de protocole, visibilité et configuration de la cabine, nécessité ou non d’entrer dans la salle de réunion, seul(e) ou à deux en cabine, statut du/de la collègue) faites tout pour vous mettre physiquement à l’aise afin de tenir mieux et plus longtemps : desserrer ou enlever la cravate, enlever les chaussures ( !), tomber la veste, inclinez le dossier de la chaise etc.. Si vous avez la possibilité d’employer un micro-casque (donc avec micro intégré), ceci vous permettra bien plus facilement de vous mettre physiquement à l’aise, car le microphone suivra votre bouche, permettra un volume de voix encore plus bas et ouvrira la voie à l’adoption de diverses postures de décontraction, ce qui entraîne à son tour un débit plus détendu et des contraintes musculaires bien moindres : c’est gagnant-gagnant, en mode normal autant qu’un mode dégradé !
b) Hydratez-vous, ventilez votre cabine
J’espère que, en temps normal, vous buvez déjà régulièrement, beaucoup et préemptivement – pour le mode dégradé, redoublez de consommation, prenez des gorgées d’eau fréquemment, ainsi vous allez vous hydrater le cerveau (déjà malmené par les circonstances qui imposent le mode dégradé) et lubrifier en même temps les cordes vocales et la gorge…
L’air stagnant, vicié et surchauffé en cabine (ce qui est malheureusement la règle, surtout en cabine amovible) est l’ennemi de votre organisme, alors dans ce cas de figure faites tout ce qui est possible pour augmenter les flux d’air frais – quitte à parler moins fort (voir dessus !) afin de ne pas déranger les délégués si votre cabine est située dans la salle de réunion et que vous souhaitez garder sa porte entr’ouverte…
c) Apprenez à respirer
Pour un interprète, la voix est un outil d’une importance incommensurable, à la fois pour étayer l’expression et le communication, et pour atténuer le stress. Il faut absolument consulter des experts en la matière et apprendre les techniques qui permettront à votre corps de produire du son de manière convaincante, avec un minimum d’effort et pendant des heures entières quand il le faut. Il nous faut la résilience et la profondeur vocales ! Ces techniques de production de la voix sont nombreuses et variées, et si vous souhaitez en savoir davantage, n’hésitez pas à me contacter…
D’autres techniques existent pour apprendre à respire de manière soit à calmer soit à revigorer, en fonction de vos besoins du moment.
d) Baisser votre volume entrant, et donc sortant
Il s’agit ici de la démarche LA plus utile pour l’économie d’effort, physique et psychique. Commencez par baisser votre volume entrant, ainsi vous serez dans l’obligation de baisser votre volume (et sans doute en même temps votre ton) de voix, et il s’agit d’un cercle vertueux qui entraîne une sérieuse baisse d’effort, avec en prime un rendu plus calme, plus calmant et plus convaincant car apparemment plus professionnel et mieux maîtrisé. Le stress ayant pour effet quasi-inévitable de pousser la voix plus haut en volume, et vers les aigües, il faudra lutter pour appliquer cette mesure, mais persistez, c’est votre arme numéro un ! N’oubliez pas non plus que, tout comme un conducteur stressé devra continuellement recommencer à décrisper ses épaules et ses mains, vous devrez en faire autant de votre volume de voix, qui risquera de remonter sournoisement sous l’effet du stress !
Petite mise en garde : en parlant moins fort, il faut veiller à conserver toute la gamme d’émotions, de relief vocal, d’intonations, d’emphases, en bref à continuer à employer toutes les ressources de sa voix pour pouvoir transmettre les nuances de chaque communication. En effet, en parlant moins fort on a tendance à limiter l’usage qu’on fait de toutes ses facultés vocales, ce qui entame la qualité et la subtilité du discours ; entrainez-vous donc beaucoup à concilier expression vocale et volume réduit, tout comme vous devriez le faire pour rehausser la qualité de votre interprétation en chuchotage, et pour des raisons semblables !
e) Employez au maximum les mots courts
Ceci vous semblera sans doute d’une évidence absolue, mais je sais de longue expérience que les jeunes interprètes n’ont le plus souvent pas ce réflexe, qui permet d’économiser beaucoup d’énergie, car il peut servir à tout moment en cabine. Ainsi, préférer (par exemple) s’il le faut :
« usager » à « utilisateur »
« but » à « objectif »
« joie » à « bonheur »
« lecture » ou « vision » à « interprétation »
« projet » ou « chantier » à « initiative »
« entité » ou « structure » à « organisation »
« acteur » à « partie-prenante » ou « protagoniste »
« surface » à « superficie »
etc etc etc
Les exemples se comptent par milliers, mais c’est acquérir le réflexe absolu et inné qui compte ! Des syllabes gagnées systématiquement par-ci par-là auront un effet démesuré et surprenant sur la capacité de votre cerveau à résister, à récupérer et à tenir la distance, et je vous garantis que vous serez étonné(e) de constater combien peu de temps gagné il faut (du moment où vous employez abondamment cette astuce) pour faire toute la différence pour vos neurones malmenés !
f) Recourir davantage au ton de voix, et moins aux mots
Cette technique est indispensable, et l’emploi de la voix, de toutes les ressources vocales pour rajouter de l’emphase, de l’émotion (sarcasme, ironie, colère, doute, déception, autorité, tristesse, euphorie…) ou de l’intensité, tient souvent lieu et place de mots supplémentaires, qui sont souvent l’outil utilisé pour éclaircir un raisonnement, asseoir un argument, convaincre, véhiculer de l’empathie etc.
Cette technique est encore plus utile lorsque vous travaillez vers votre langue B, étant donné que dans celle-ci vous ne tomberez pas toujours sur le mot juste, et cela présente donc aussi l’avantage de juguler la mauvaise tendance de l’interprète en langue B, d’utiliser toujours plus de mots pour tenter de cerner le vrai sens de l’orateur. Employer donc cette technique même en temps normal, pour compenser d’éventuelles lacunes dans votre deuxième langue active.
g) Préférez les sigles et acronymes aux expressions en toutes lettres.
En fonction de votre connaissance de l’auditoire, et du moment que celui-ci reste inchangé, il est très utile, une fois qu’on a débité en toutes lettres un titre ou appellation (surtout alambiqué) une première fois, d’établir dans la tête des clients l’équivalence « appellation<>sigle/acronyme », puis de n’utiliser que le sigle/acronyme. Par exemple : la première fois qu’on évoque en salle l’Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe, vous dites « l’Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe, soit OSCE », ensuite vous ne dites plus que « OSCE ». N’oubliez pas qu’il faut bien entendu connaître (comme toujours pour tout sigle que vous employez à tout moment) le genre du sigle/acronyme, s’il s’agit de l’article masculin ou féminin, singulier ou pluriel, et si vous êtes en présence d’un sigle (« O-S-C-E ») ou d’un acronyme (« OTAN ») dans la langue-cible : attention, un sigle (« IRA » ou « E-T-A » en français) dans une langue peut devenir un acronyme (« I-R-A » ou « ETA » en anglais) dans l’autre, et viceversa !
Vous aurez compris qu’il faut beaucoup moins d’effort pour énoncer quelques lettres que tout un titre !
h) Utilisez au maximum les clichés et tournures synthétiques
De manière générale, les expressions idiomatiques, clichés, dictons, images, citations et autres tournures toutes faites, sont TRES utiles en interprétation, car ils permettent aisément de rendre des idées complexes, de rajouter du relief et une apparente aisance à votre discours, de rassurer ceux qui écoutent - et surtout, dans un contexte de mode dégradé, de relâcher momentanément la concentration (car appris par cœur et débités réflexivement). Mais attention, lorsque vous employez de telles expressions dans votre langue B, soyez sûr(e) de les avoir bien apprises, de connaître leur vrais sens et de les employer à bon escient, compte tenu entre autres de la question de la constance du registre !
i) Renoncez au superflu et aux redondances et répétitions – élaguez et hiérarchisez
Voici l’une des démarches les plus efficaces et utiles, mais aussi celle qui est la plus complexe, et à décrire et à développer et employer. Il s’agit :
d’abord d’utiliser un minimum de mots (et donc des mots appropriés et bien choisis) pour transmettre les idées de l’orateur
de faire l’impasse sur les éventuels effets de manche, pointes d’ironie, boutades, citations, expressions de politesse, tournures alambiquées etc…qui pourront à la rigueur disparaître sans nuire à la transmission des idées fondamentales
ensuite, en fonction des conditions du moment et de vos compétences (générales et du moment), de hiérarchiser en temps réel (et bien sûr sous la pression, sinon la démarche serait beaucoup moins nécessaire !) les idées et concepts du discours, et de faire l’impasse sur ceux qui sont de second plan ou qui représentent des répétitions
Donc – trier, élaguer, rester concis !
(voir exemples écrits, ci-dessous)
j) Interprétez par tirets (« bullet points »)
Cette technique soulagera grandement votre cerveau souffrant, car il permet de débiter moins de mots, de court-circuiter certaines lourdeurs syntaxiques et grammaticales de la langue employée, de capter de manière plus directe et frappante l’attention de ceux qui écoutent. Il s’agit d’imaginer (si tel n’est pas le cas !) que le discours du délégué s’affiche sur des planches Powerpoint en « tirets » ponctuels, avec compression de la grammaire et de la syntaxe. Ensuite, vous n’avez qu’à interpréter ces « tirets » comme ils s’affichent, avec de grandes économies de mots et donc de temps, ce qui encore une fois permet de vous ménager de très nombreuses micropauses, qui soulagent votre cerveau et lui permettent de ‘respirer’ – votre cerveau et votre prestation vous en remercieront !
Voir la version « tirets Powerpoint » des extraits de discours ci-dessous
Attention - je me rends bien sûr compte que dans les faits vous serez parfois contraint(e) et forcé(e) d’‘élaguer’ le discours parce que vous n’arrivez pas à capter, cerner et comprendre chaque nuance, référence ou touche d’humour ou de sarcasme. Mais, il y a un monde de différence entre un tel scénario et le fait de bien comprendre et bien saisir ces mêmes éléments du discours, mais de choisir de ne pas les rendre, pour mieux servir la communication et les consommateurs de votre interprétation
Comme pour toute technique, entrainez-vous et exercez-vous un maximum pour qu’elle puisse être utilisée comme réflexe, et donc sans grever la concentration et la capacité cognitive dont vous aurez tant besoin pour faire le ‘vrai et noble travail’ pour lequel vous aurez été embauché(e) : à savoir véhiculer les nuances et les complexités du message d’un orateur exigeant, érudit et intelligent.
Pour bien asseoir cette technique, vous pourriez même envisager de joindre l’utile à l’agréable et vous entraîner en groupe de manière ludique : chacun y va de sa version élaguée d’un texte original, en biffant le superflu mais en conservant obligatoirement le message principal, ensuite vous comparez vos versions et gagne la personne ayant relevé le défi en conservant le moins de mots possible dans le texte originel (sans bien entendu en trahir le sens !)…
Je répète que ces techniques sont nettement plus faciles (et moins hasardeuses) à appliquer quand on fait de la simultanée avec texte, car (une fois cette technique apprivoisée) on peut ainsi aisément anticiper, hiérarchiser et élaguer de manière logique et sensée, en ‘voyant venir’….
Attention – le but n’est absolument pas de se contenter d’un travail incomplet ou approximatif. Il va sans dire que notre contrat (implicite ou explicite) d’interprète implique de pouvoir transmettre chaque détail, chaque nuance, chaque citation et chaque répétition du discours que choisit de prononcer l’orateur. Ici, on se situe plutôt dans le ‘sauvetage des meubles’, dans le ‘travail en mode dégradé’, qu’on choisit de faire puisque dans les conditions du moment l’alternative serait l’effondrement ou une interprétation aléatoire et lacunaire, dont les idées principales et incontournables de l’orateur pourraient être tout aussi facilement les victimes, que le superflu et le secondaire !
Chris Guichot de Fortis
13 novembre 2020
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EXEMPLES D’INTERPRETATION:
1) FR>EN
(Transcription du discours du Président de la République à la conférence des Ambassadeurs, 27 août 2018)
Suivent des suggestions pour l’interprétation de quatre extraits de ce discours, avec à chaque fois trois variantes :
Interprétation ‘classique’ ou intégrale
Interprétation en ‘mode dégradé’ normal
Interprétation en ‘mode dégradé extrême’, soit par ‘tirets’
EXTRAIT ORIGINEL (A) DU DISCOURS
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui pour ouvrir cette conférence des Ambassadeurs et des Ambassadrices. Heureux parce que c’est toujours l’occasion unique de partager quelques convictions et une lecture du monde tel qu’il va, dans lequel chaque jour la France agit, est attendue, porte sa voix.
Dans quelques jours, vous rejoindrez vos équipes sur le terrain et vous porterez avec exigence, détermination, une très grande responsabilité.
INTERPRETATION ‘CLASSIQUE’
I am delighted to be here today to open this ambassadors’ conference, as for me this is always an unparalleled opportunity to share my convictions, and my reading of the way in which France can act, speak out and meet expectations in today’s changing world.
In a few days’ time, you will be joining your respective teams on the ground, and I am confident that you will carry what is a heavy responsibility with rigour and resolve.
(116 syllabes)
INTERPRETATION EN ‘MODE MOYEN DEGRADE’
I am delighted to open this ambassadors’ conference, as it is a chance to share my thoughts on the way in which France should act and speak today as a major world player.
You will soon join your various teams, and I know you will act with rigour and resolve.
(65 syllabes)
INTERPRETATION EN ‘MODE MAXIMUM DEGRADE’ (‘TIRETS POWERPOINT’)
I am happy to be here
We will discuss France’s major role worldwide
Out on the ground, I know you act as true professionals
(33 syllabes)
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EXTRAIT ORIGINEL (B) DU DISCOURS
Votre première responsabilité, ce sera de représenter notre pays, notre histoire, nos idéaux républicains, nos géographies de métropole et d’outre-mer, nos intérêts. Et en représentant la France vous représentez l’histoire, la force, le rôle de notre peuple dans le concert des nations et avez à y conduire une diplomatie que je veux fiable et innovante.
Votre deuxième responsabilité, avec votre équipe, avec l'appui de tous les relais dont vous disposez sur place, sera de mettre en œuvre une politique ambitieuse pour notre pays. Cette ambition, soyez assurés qu'elle se traduira par un rythme de réformes en France qui ne changera pas d'allure, bien au contraire. Le Premier ministre vous en précisera les orientations. Plusieurs ministres auront aussi à s’exprimer sur ce point. Sous la conduite de votre Ministre Jean-Yves Le DRIAN, que je tiens à remercier pour son implication constante, vous nous aiderez à soutenir ces réformes à l'international.
INTERPRETATION ‘CLASSIQUE’
Your prime responsibility will be to represent our country, with her interests, her history and republican ideals and the geographical diversity of her various territories. In so doing, you will stand for France’s historical strength, and the role of the French people in the concert of nations – I am asking you to conduct our nation’s diplomacy in a reliable and innovative fashion.
Your second responsibility, hand-in-hand with your teams and contact points on the ground, will consist of implementing an ambitious policy for France. Rest assured that such ambitions will continue to be backed up by an increasing pace of reform on the domestic front. The Prime Minister will provide you with further details, and a number of ministers will be addressing this matter. Under the guiding hand of your minister Jean-Yves Le DRIAN, whom I wish to thank for his unstinting commitment, you will assist us in supporting these reforms on the international stage.
(262 syllabes)
INTERPRETATION EN ‘MODE MOYEN DEGRADE’
You must first represent France in all her historical, geographical and moral diversity. You will help our people play their role on the world stage, and I ask you to work reliably and innovatively. Next, with all other stakeholders, you are called to implement an ambitious national policy, which I will back up by intense reform at home. The Prime Minster and hs colleagues will provide further details here. Allow me to thank Minister Le DRIAN, under whom you will help France support these reforms the world over.
(136 syllabes)
INTERPRETATION EN ‘MODE MAXIMUM DEGRADE’ (‘TIRETS POWERPOINT’)
- You represent France, in all her diversity, to the outside world
- I ask you to be both reliable and innovative
- With others, you are called to be true ambassadors for our ambitious reforms
- I thank Minister Le DRIAN and his colleagues, who will lead you and provide all relevant details
(76 syllabes)
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EXTRAIT ORIGINEL (C) DU DISCOURS
En effet, vous êtes à mes yeux parties prenantes de la stratégie que j’ai demandé au gouvernement de mettre en œuvre pour le pays. D’abord, en associant pleinement nos communautés françaises à l’étranger. Elles sont une richesse, une force. Nos réformes doivent leur être expliquées et elles doivent aussi être portées par elles. Les Françaises et les Français de l’étranger sont un atout pour notre pays. Ils doivent participer pleinement de ce nouveau rayonnement de la France.
C’est pour cela que j’ai souhaité une réflexion en profondeur sur l’enseignement français à l’étranger qui, sur la base du rapport que j’ai demandé au gouvernement, donnera lieu à l’annonce d’une réforme cet automne. C’est aussi pour cela que je veux aller au bout des simplifications attendues par nos concitoyens, en termes de démarches administratives et de vote en ligne.
INTERPRETATION ‘CLASSIQUE’
You are indeed an active and integral part of the national strategy that I have requested the government to put in place. The first step is fully to involve our French communities abroad, as they are our wealth and our strength. Our reforms need to be explained to them to secure their buy-in. French men and women overseas are a huge asset, and they have an essential part to play in projecting our country’s soft power.
It is for this reason that I commissioned an in-depth review of French education overseas – on the basis of the report which the government will submit to me, a reform will be announced this Autumn. For the self-same reason, I am determined to complete the streamlining of our administrative and on-line voting procedures.
(194 syllabes)
INTERPRETATION EN ‘MODE MOYEN DEGRADE’
You have a role to play in France’s new national strategy. We need to explain this to the French diaspora, who need to be brought fully on board. Our citizens abroad are also our ambassadors.
The government will report back to me in the Autumn on our overseas education, and we will continue to streamline administrative procedures generally.
(96 syllabes)
INTERPRETATION ‘MAXIMUM DEGRADE’ (‘TIRETS POWERPOINT’)
Our nation’s strategy needs your help
France’s diaspora must be brought onboard
This Autumn will see a report on French education abroad
Administrative procedures are being streamlined
(48 syllabes)
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EXTRAIT ORIGINEL (D) DU DISCOURS
Ensuite, vous contribuez à la compétitivité de la France. Vous devez expliquer aux gouvernements, aux acteurs économiques dans les pays où vous êtes en poste, la cohérence et l’ampleur de notre agenda de transformation. Notre attractivité s’améliore, mais il nous faut nous mobiliser bien davantage pour nos exportations. Votre mobilisation en faveur d’une diplomatie économique est un élément important de cette stratégie. Nous devons notamment axer notre action collective sur une stratégie export pour les entreprises de taille intermédiaire comme les petites et moyennes entreprises qui seule réduira notre déficit commercial.
Mais j’attends de vous encore davantage. De Ouagadougou à Xi’an, de Sydney à New York ou la Sorbonne, j’ai durant l’année qui s’achève pu, à travers plusieurs discours, renouveler nos approches géographiques ou stratégiques. Il faut que celles-ci soient désormais déclinées avec précision. Cela suppose de choisir des objectifs clairs et donc limités, et de prendre de nouvelles mesures afin d’en assurer le suivi. Nous avons encore trop tendance à considérer que tout est prioritaire et ne pas suffisamment avoir une culture du résultat. Même en diplomatie, le succès se mesure – certes pas en un jour et même sans doute jamais en un jour – à la capacité néanmoins d’infléchir des attitudes, de construire des amitiés et des alliances, de remporter des marchés. En un mot, de faire avancer les intérêts de la France et des Français et de faire partager un peu de notre vision et conception du monde.
INTERPRETATION ‘CLASSIQUE’
You also contribute to our nation’s competitiveness. It will be up to you, in your various postings, to explain the logic and the extent of our transformation agenda. France is becoming increasingly attractive, but we must work proactively to promote our exports. Your efforts to further economic diplomacy will be key building blocks in this strategy. Priority must be given to working together on reducing our trade deficit by forging an export strategy for both small and medium-sized enterprises.
But I expect still more of you! From Ouagadougou to Xi’an, from Sydney to New York and the Sorbonne, in the course of several speeches over the last year I have outlined our new geographical and strategic approaches. It is now important to put flesh on the bones of these initiatives, which entails choosing clear and realistic goals, and to put in place new measures to ensure an appropriate follow-up. We still tend to consider that everything is a priority, and we are not sufficiently results-oriented. Even in diplomacy, success can be measured – certainly not overnight and in fact definitely never overnight – by the ability to change hearts and minds, to build friendships and alliances, and to win contracts. In a nutshell, our task is to further the interests of France and the French people, and to share a little of our vision and reading of the world.
(413 syllables)
INTERPRETATION EN ‘MODE MOYEN DEGRADE’
We trust you to promote and explain France’s economic growth and new agenda, through economic diplomacy. You must work on promoting exports for our SMEs, so reducing our trade deficits.
I have spoken widely of our new approach, and now you must help by providing details to your interlocutors and ensuring follow-up. We must all assign clear priorities and be results-oriented, working on mindsets and winning contracts. It is our job to work for the good of France, and share our vision with the world.
(141 syllabes)
INTERPRETATION ‘MAXIMUM DEGRADE’ (‘TIRETS POWERPOINT’)
Speak on behalf of France’s new economic agenda
Help our SMEs by aiding exports and cutting trade deficits
You must now give details on the agenda I have presented
We need clear priorities and aims to win contracts
You are France’s ambassadors, sharing our vision worldwide
(76 syllables)
2) EN>FR
Voici les liens vers la transcription et l’enregistrement de l’original d’un discours discours du Secrétaire américain à la défense Robert Gates, au « American Enterprise Institute »
Voici des liens vers des enregistrements, par mes soins. Le premier exemple est de nouveau celui d’une interprétation ‘classique’ et intégrale ; le deuxième est celui d’une interprétation en ‘mode dégradé’ normal :